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Confrérie alawiya : l’affluent mystique qui irrigue Mostaganem

Confrérie alawiya : l’affluent mystique qui irrigue Mostaganem

Près de 2000 personnes à la cérémonie de remise du prix Émir-Abdelkader

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La cérémonie de remise du prix Émir-Abdelkader a réuni près de 2000 convives. Parmi eux, un ministre en exercice, sept anciens membres de gouvernement, une secrétaire d’État belge, plusieurs ambassadeurs et consuls. Tout un aréopage de personnalités.

Le temps d’une journée, Mostaganem a pu se targuer d’être “the place to be”, le lieu où il faut être. C’était mercredi dernier lors de la première édition de la remise du “Prix Émir-Abdelkader pour la promotion du vivre-ensemble et de la coexistence pacifique en Méditerranée et dans le monde”. La cérémonie de remise des prix a eu lieu au siège de la fondation Djanatu Al-Arif, dont le président d’honneur est le cheikh Khaled Bentounès, le guide spirituel de la Tariqa Alawiya. Près de 2000 personnes étaient présentes à cette cérémonie. Initié par l’Association internationale soufie alawiya (AISA), une ONG internationale, la fondation Djanatu Al-Arif et le programme international Med 21, le prix a été accordé à trois personnalités : l’ancien ministre des Affaires étrangères algérien, le diplomate Lakhdar Brahimi, l’Espagnol Federico Mayor (ex-DG de l’Unesco) et le Canadien Raymond Chrétien, ancien ambassadeur et président de l’Observatoire international des maires sur le vivre-ensemble. Le profil des lauréats illustre parfaitement la dimension que les organisateurs ont souhaité à l’événement. La description lancée par un membre du comité d’organisation à un invité venu d’Oran, accompagné de sa femme et de ses deux enfants, en donne une image : “C’est une journée à deux branches, nationale et internationale, et les deux sont liées à un arbre, le soufisme, représenté par la Tariqa Alawiya.” La confrérie soufie a effectivement pu réunir une mosaïque de personnalités, nationales et étrangères, sans oublier la présence très remarquée des familles et des jeunes.

La kermesse populaire 
Bien avant l’arrivée des délégations officielles et des personnalités, algériennes et étrangères, les jardins du siège de la fondation Djanatu Al-Arif étaient investis, dès le début de la journée, par des centaines de citoyens, toutes générations confondues. Beaucoup sont venus en famille, de Mostaganem et d’ailleurs. À travers les immatriculations des voitures, on peut retenir les wilayas de Tlemcen, Mascara, Blida, Alger

Les déjeuner et dîner, organisés sur le gazon même, donnaient l’impression aux présents qu’ils étaient dans une kermesse populaire. Une ambiance bien plus conviviale que les rencontres de conciliabules d’officiels qui se déroulaient à quelques mètres de là.

Les visibles et les discrets
Dans son discours juste avant la remise des prix, le wali de Mostaganem, Abdelwahid Temmar, avait tenu à saluer “les trois anciens ministres présents ici”. Il était bien loin du compte. C’est que parmi les convives, il y avait au moins sept anciens ministres, dont un ex-chef du gouvernement, Ahmed Benbitour, et l’ex-membre du Haut Conseil d’État, Ali Haroun. Certains parmi ces anciens hommes politiques faisaient tout pour se faire prendre en photo devant cheikh Bentounès, à l’instar de Mustapha Chérif, de Bouabdellah Ghlamallah (qui le lendemain sera désigné président du Haut Conseil islamique) ou encore de l’enfant de Mostaganem, Nacer Mehal.

Par contre, d’autres semblaient éviter la presse. Visiblement ils ne voulaient pas que leur présence soit médiatisée. Dahou Ould Kablia, présent avec sa fille, était l’un de ces derniers. Aux ministres et autres hauts commis de l’État, il faut ajouter la présence du ministre de la Culture en exercice, Azzedine Mihoubi.

Ballet diplomatique
Aux côtés de ces ministres, il y avait également un grand nombre de représentants de chancelleries étrangères. Étaient présents notamment l’ambassadeur d’Espagne, venu représenter son compatriote Federico Mayor, ancien DG de l’Unesco, et l’un des lauréats mais qui n’a pas pu se déplacer pour des raisons de santé ; les ambassadeurs d’Iran, de Croatie, ou encore les consuls du Maroc, de France et d’Espagne. La secrétaire d’État et ministre-présidente du gouvernement francophone bruxellois, la Belge Fadila Laanan, était l’une des coqueluches de la cérémonie. Désignée co-présidente d’honneur, avec Idriss Jazairy, elle était très sollicitée par les chaînes de TV privées venues en force pour l’occasion. Mais la guest-star incontestable de la journée c’était sans aucun doute Pop Joshua Robert. Cet Américain “bonne bouille” se prêtait avec plaisir aux innombrables demandes de selfies. Et pour cause ! Il s’agissait du maire d’une ville US, El-Kader, du nom de l’Émir Abdelkader, située dans l’État de l’Iowa.

La diplomatie parallèle !
Deux personnages représentent la juxtaposition entre les “nationaux” et les étrangers : cheikh Bentounes et Idriss Jazaïry. Ils sont liés à des institutions internationales. Ainsi le guide spirituel de la Tariqa Alawiya sera à New-York, comme il l’a affirmé lors de la conférence de presse organisée le jour même. “Je serai au siège de l’ONU, du 27 septembre au 7 octobre pour les informer de la fête qu’on est en train de vivre à Mostaganem et pour discuter avec les membres de cette organisation du lancement de cette initiative qu’est le prix de l’Émir Abdelkader” a-t-il déclaré aux journalistes. Il profitera de l’occasion pour revenir sur sa participation au premier Sommet humanitaire mondial qui s’est déroulé en mai dernier, à Istanbul (Turquie) et l’importance qu’est en train de prendre la notion du Vivre-ensemble dans le monde.

Concernant Idriss Jazaïry, ceux qui croient que sa carrière se conjugue au passé, se trompent. Deux jours auparavant, et en parallèle à la 33e session ordinaire du Conseil des droits de l’homme des Nations unies, il avait participé à un débat organisé par le Centre de Genève “pour la promotion des droits de l’homme et le dialogue global”. Une présence loin d’être honorifique. Depuis plus d’une année Idriss Jazaïry a le statut de Rapporteur spécial du Conseil des droits de l’homme et directeur exécutif du Centre de Genève. Un titre (en plus du fait qu’il soit l’arrière-petit-fils du frère de l’Émir Abdelkader) qui le relie directement aux objectifs de la rencontre de Mostaganem.

L’amertume de Lakhdar Brahimi et l’altermondialisme de Mayor
L’actualité internationale n’était pas absente. Les deux lauréats, Lakhdar Brahimi et Federico Mayor, l’ont abordé, chacun à sa manière, et d’un angle en relation avec leur carrières respectives. Ainsi, et en recevant son prix, l’ex-ministre algérien des Affaires étrangères s’est étalé sur l’importance que revêt le lancement d’un prix représentant le pourtour méditerranéen. Dans son intervention, l’ancien secrétaire général adjoint de la Ligue arabe et de l’ONU n’a pas raté l’occasion d’avertir “de ne pas laisser le champ libre à l’intolérance, à l’amalgame  et au mélange des genres” avant d’ajouter “qu’il n’est pas permis d’occulter l’origine des conflits qui ensanglantent certains de nos pays, le déferlement des millions de réfugiés (…) était prévisible, et fut prévu”. Une manière de rappeler qu’il avait averti, il y a quelques années déjà, de l’imminence de ce “danger”, quand il était désigné médiateur onusien dans le conflit syrien.

Absent à Mostaganem pour recevoir son prix, Federico MaYor a néanmoins participé à la cérémonie par visioconférence. Son intervention avait des résonnances altermondialistes. L’ex- DG de l’Unesco a ainsi appelé à la refonte de l’ONU tout en fustigeant les autres regroupements internationaux. “C’est quoi ces G8, G20 et autres qui veulent remplacer une organisation représentant 193 pays !” s’était-il exclamé. L’espagnol remettra en cause l’adage “si vis pacem para bellum” (si tu veux la paix, prépare la guerre) en axant sa critique sur l’urgence de changer “l’ambiance conflictuelle” dans laquelle baigne le monde. “C’est plutôt : si tu veux la paix prépare la paix, et je m’engage à travailler en faveur de cette paix”.

Au-delà du mystique…
Cet aréopage d’invités, entre citoyens anonymes, hommes politiques, diplomates étrangers, accourus à l’appel du cheikh Bentounes donnent un aperçu de l’influence de plus en plus grande du guide spirituel de la Tariqa Alawiya.
Il est d’ailleurs clair que le côté mystique n’était pas le seul objectif de la cérémonie. Plusieurs présents étaient à la cérémonie dans l’espoir inavoué de profiter du lobbying de la zaouia, que ce soit au niveau national ou international. L’une des déclarations de cheikh Bentounes, lors de sa conférence de presse organisée mercredi dernier, en donne le ton. À propos du terme islamophobie tant usité ces derniers temps le guide spirituel de la Tariqa Alawiya s’est voulu pragmatique : “Les gens se trompent quand ils pensent qu’on ne nous aime pas parce que nous sommes musulmans. Ce n’est pas une question de religion, ou de culture, mais d’intérêts”. À méditer…