La genèse du Prix Émir Abdelkader
Mostaganem a rendez-vous demain avec un événement dépassant les frontières. Il s’agit de la remise du » Prix Émir-Abdelkader de la promotion du vivre ensemble et de la coexistence pacifique en Méditerranée et dans le monde » qui coïncide avec la journée internationale de la paix.
La remise de cette distinction est prévue au siège de la fondation «Djanatu Al Arif» à l’occasion d’une cérémonie à laquelle assisteront plusieurs personnalités nationales et étrangères. La liste des trois lauréats de cette première édition du prix a été déjà annoncée. Pour la rive sud, ce sera Lakhdar Brahimi, (ex-ministre des affaires étrangères). Pour la rive nord, l’espagnol Federico Mayor (ex-directeur général de l’Unesco entre 1987 et 1999) sera l’heureux « élu », et , enfin, le prix représentant « Le reste du monde », sera octroyé à Raymond Chretien, ambassadeur honoraire du Canada.
La cérémonie de demain, mercredi, sera la concrétisation d’une longue démarche qui a débuté il y a presque une année. De Mostaganem, vers Alger, en passant par Mascara, plusieurs activités avaient été organisées par Tariqa Alawiya, pour, entre autres, donner naissance à ce Prix international. La Rédaction Numérique de « Liberté » a suivi toutes les péripéties. Reportage.
De notre envoyé spécial à Mostaganem, à Mascara et à Annaba: Salim KOUDIL
« Au même moment où nous nous réjouissons du vivre-ensemble, peut être une autre guerre se prépare ». Une phrase lâchée par Cheikh Bentounes le 24 novembre dernier devant un public.très attentif. C’était, à Mostaganem, juste avant le début d’un concert de chants andalou de la troupe El Amel, de l’école de chants et musique traditionnelle de la fondation Djanatu al-Al Arif. Le Cheikh réagissait à chaud aux dernières informations qui lui sont parvenues. Le jour même, deux faits annonciateurs de grands chamboulement s’étaient déroulés. Le premier à Roubaix, en France, où une prise d’otages était en cours, 21 jours après les attentats de Paris. Le second, concernait l’avion militaire russe abattu par les turcs et la grande crise que ça allait engendrer entre les deux pays, et surtout entre le pays des tsars et l’OTAN. Une accélération des événements qui faisait frémir plus d’un dans le monde. Cheikh Bentounes, sur un ton triste, et sans cacher sa consternation, (voir vidéo en dessous) a voulu par son discours, rappeler ainsi l’urgence incontournable du Vivre-Ensemble, thème d’un festival qui s’est déroulé dans plusieurs endroits en Algérie et dont l’envergure dépassait le cadre DZ, aspirant à soulever une vague internationale.
L’enjeu
Avec la banalisation de la violence, avec la prolifération des guerres, avec les conflits qui s’annoncent dan plusieurs régions du monde, avec le défi climatique, avec les crises économiques, l’humanité aujourd’hui, est devant une urgence incontournable: sauver la terre et l’humanité, ou voir tout s’effondrer. Au delà du constat, il reste l’action devant l’immobilité régnante. Un algérien, à travers des ONG et une tariqa soufie, aspire à ce que 2016 soit la concrétisation d’un projet mondial, celui du vivre ensemble. Cheikh Bentounes, puisqu’il s’agit de lui, a opté pour la mobilité et les propositions, en dépassant les voeux, pour essayer d’atteindre la concrétisation palpable et concrète.
Le projet ne remonte pas au mois de novembre mais à plus d’une année avant. Ce festival c’est surtout une des recommandations du “ Congrès International Féminin pour une Culture de Paix – Parole aux femmes “ tenu à Oran du 27 au 30 octobre 2014 (lire ICI). Quelques mois après, Cheikh Bentounes, continuant son « combat », a profité de l’espace donné par le Forum de « Liberté » pour rendre encore plus accessible le projet sur lequel il mise beaucoup
Il a également fait participer plusieurs personnalités médiatiques durant cette période. Certains étaient « présents » à la fin du mois de novembre. C’était lors de la conférence de presse organisée, à Alger, pour revenir sur le travail accompli lors de ce festival. La présence, à défaut d’être physique, était sous formes de projections. Plusieurs personnes ont ainsi donné leur perceptions du Vivre-Ensemble et deux d’entres elles ont attiré l’attention.
Le premier, Edwy Plenel, co-président du journal numérique français Mediapart, et le second, l’islamologue Ghaleb Bencheikh. Chacun s’est étalé le vivre-ensemble, en axant sur l’importance du « commun », sur la disparition d’un « vieux monde » défendu par des forces d’inertie, et sur la nécessité de transformer l’altérité en réalité. Leur intervention sur l’écran n’ont pas laissé l’assistance insensible. Ils ont surtout donné une autre facette de ce fameux Vivre-ensemble.
Des étapes et des « acteurs »
Le guide spirituel de la Tariqa Alawiya, et fondateur de la fondation Méditerranéenne du Développement Durable, « Djanatu al-Arif », a ainsi lancé le 1er festival de la journée mondiale du vivre-ensemble vers la fin du mois de novembre dernier. Un événement qui s’est déroulé du 22 au 29 novembre 2015 en trois étapes. La première s’est déroulée àMostaganem, la seconde à Mascara et la dernière à Alger.
Si le festival devait être un film, le réalisateur serait sans aucun doute Cheikh Bentounes. Les acteurs seraient de deux catégories, ceux à l’affiche, et ceux sans qui il n’y aurait pas eu de scénario. Les premiers étaient omniprésents dans les « festivités » depuis le début du festival. Si on devait les nommer, ce seront alors: Cheikh Khaled Bentounes, Mounia Meslem (ministre de la solidarité nationale, de la famille et de la condition de la femme),Djamel Abou Abu Alhannoud, vice-ministre palestinien du wakf et des affaires religieuses, etMustapha Ceric, Mufti de la Bosnie-Herzegovine. La seconde catégorie des « acteurs », d’ailleurs très actifs lors de ce festival, est composée de Dalila Djerbal (sociologue et membre du réseau Wassila), de Nadia Ait Zai (professeur à la faculté de droit d’Alger), deKamel Chekkat (membre de la ligue des ulémas et d’autres, à,l’instar du Dr Benterki.
Il est également important de signaler le déroulement d’un « préambule ». C’était le colloque « Vers une culture de paix en matière de santé » organisé à l’université Mostaganem, et dont le thème était « Renouer avec le Vivant, un nouveau paradigme pour la santé« . Un événement organisé par la Fondation Djanat al-Arif et l’ONG AISA (Association internationale soufie Alawiyya). Les membres de cette dernière se plaisent à répéter qu’elle a un statut consultatif spécial auprès de l’ECOSOC (Conseil économique et social de l’ONU) pour mettre en avant l’aspect international de ses activités. Ce colloque a été, selon sa coordinatrice, Sofia Bentounes, un véritable succès de par la qualité des intervenants et les riches débats suscités lors de ces deux journées. S’en est suivi deux journées marathoniennes durant lesquelles plusieurs activités se sont déroulées pour « concrétiser » le 1er festival de la journée mondiale du vivre ensemble. Le tout s’est déroulé dans deux enceintes: l’université de Mostaganem et le site de la fondation « Djanatu al-Arif ».
La femme au centre des débats
Le 24 novembre plusieurs conférences ont été animées par des personnalités algériennes et étrangères. A cela il faut ajouter la projection du documentaire « Islam voix de femmes ». Le tout a engendré de longs et houleux débats entre les participants (voir extraits vidéos en dessous) devant un public qui semblait se délecter des sujets abordés.
Un philosophe-théologien pour représenter une ONG japonaise
Ce festival a été l’occasion de faire réunir plus de 220 participants venant de différents horizons. En plus des algériens, il y avait également plusieurs représentants de pas moins de neuf pays (Maroc, Espagne, Suède, Suisse, Indonésie, Allemagne, France, Palestine, et Bosnie-Herzegovine). Le Dr Hans Ucko était un des participants. Ce théologien-philosophe, d’origine suédoise et allemande (comme il se présente lui même), représentait à Mostaganem une organisation japonaise d’aspiration bouddhiste «Arigatou». Dans l’entretien accordé à la Rédaction Numérique de « Liberté » il affirme qu’il s’était déplacé en Algérie dans l’espoir d' »apprendre auprès du Cheikh Bentounes« .
Acte de naissance
La seconde étape de la manifestation s’est déroulée, le 26 novembre du côté de Ghriss, dans la wilaya de Mascara. C’était à l’occasion de la cérémonie de signature du protocole du Prix Emir Abdelkader « pour la promotion du Vivre Ensemble en méditerranée et dans le monde » et à laquelle ont assisté des centaines de personnes. Un événement qui avait commencé la veille. C’était juste après la fin des cercles de réflexion constitués autour des thèmes abordés lors des débats abordés dans l’enceinte de l’université de Mostaganem.
Sur place s’est déroulée la signature d’une convention entre la fondation méditerranéenne de développement durable « Djanatu El Arif » d’Algérie et l’organisation « Med 21 » dont le siège est basé en France, et en présence de Mounia Meslem.
La cérémonie de signature s’est déroulée exactement au niveau du site historique Derdara (le frêne) dans la commune de Ghriss.i Un lieu plus que symbolique puisqu’il fut le théâtre de l’allégeance à l’Emir Abdelkader.
Dans l’antre de la zaouia
Le festival a été l’occasion pour les participants de visiter le siège de la zaouia au centre-ville de Mostaganem. Une rencontre dans laquelle les présents se retrouvés au centre de discussions mystiques et historiques sur la naissance de la tariqa (voir vidéo en dessous). Ce jour là, quelques femmes étaient presque dans la grande salle de prière de la zaouia. Elles se sont retrouvées juste dans le couloir qui se trouve entre le mausolée de Cheik Alawi et la salle de prière. La porte n’avait pas été fermée, et quelques femmes se sont assises sur des chaises, en robes blanches, foulards bleus sur la tête, a écouter les invocations et prières des adeptes alawite.
« On le fait souvent en Europe« , se confie avec émotion une membre de la tariqa, une marocaine installée en Belgique. Elle inssista pour préciser que « c‘est une première pour la zaouia, que ce soit ici ou au Maroc, ou en Belgique, et pour moi on vient d’éliminer une certaine forme de violence envers les femmes« .
Djanatu al-Arif
Voilà un lieu qui a enchanté tous les participants au colloque. Certains qui venaient de découvrir Djanatu al-Arif se promettaient de revenir « à la moindre occasion« . « Je me sens tellement bien ici, c’est tellement calme, et surtout ça permet de méditer tranquillement, et donc pour moi c’est très logique d’y revenir, et aussi de faire découvrir à ma famille ce lieu » lance Djamel, un jeune venu de Timimoun dont c’était la première participation aux activités de la Tariqa.
Pour « finaliser » le marathon, une conférence de presse a été organisée le 29 novembre, à Alger,. Animée par Cheikh Bentounès,et également par plusieurs autres personnalités nationales et internationales, présentes à Mostaganem et à Mascara.
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A 862 Km et depuis 91 ans…
Ce festival fini, il restait donc un rendez-vous à respecter, celui de décerner le prix quelques mois après.il a été décidé de choisir le 21 septembre, journée internationale de la paix, pour le décerner à trois lauréats. Si la cérémonie va se dérouler à Mostaganem, tous les adeptes de la tariqa Alawia, ceux installés en Algérie ou à l’extérieur, vont suivre, chacun à sa manière, cet événement. Certains seront ce mercredi à « Djanatu El Arif », d’autres, pour différentes raisons seront en « alerte » de loin. A l’instar des « alawiyine » de Annaba. Effectivement la tariqa n’est pas présente uniquement à Mostaganem. Ses « traces » sont visibles dans plusieurs régions du pays. Sa mosquée (construite en 1925) située au centre-ville de Annaba (voir vidéo en dessous) est très connue dans la ville. Les adeptes rencontrés il y a quelques semaines sur place affirment suivre de très près les préparatifs et, à défaut de se déplacer à Mostaganem, vont « tout faire pour essayer de propager le souffle qui sera lancé de la cérémonie de remise du prix ».
Reste à savoir ce qui va se passer demain. Avec la pléthore des invités annoncés la rencontre s’annonce alléchante et intéressante. La Rédaction Numérique de « Liberté » sera sur place.